Le Jeu du Tao - Michèle Decoust (Ouvrage collectif)Comment se connaître soi-même ? Comment comprendre ses désirs ? Comment intégrer ceux des autres ? Comment entrer dans une relation d’aide mutuelle ? Comment devenir le héros de sa propre légende ? Pendant sept ans, l’équipe de Taovillage a recherché dans les traditions orales des cinq continents le socle commun des enseignements et des questions posées par Bouddha, Socrate, Lao-tseu, Jésus, Ibn Arabi et tous les grands questionneurs de l’Histoire. Plus de 300 collaborateurs ont testé ces enseignements pour retrouver les règles du « Jeu des jeux » légendaire, qui nous permet de vivre mieux en levant les obstacles à notre accomplissement.

Ainsi est né le Jeu du Tao, une expérience inoubliable. Imaginez un parcours traversant quatre mondes :

  • le monde de la Terre, gouverné par la question « Que cherches-tu ? »
  • le monde de l’Eau, gouverné par la question « Quelles sont tes armes ? »
  • le monde du Feu, gouverné par la question « Quelles sont tes peurs ? »
  • le monde de l’Air, gouverné par la question « Quel est ton engagement ? »

Il restait à faire de cette aventure un livre. Le voici. Il est interactif et, nourri des trésors d’informations et d’expériences tirés du champ « psy-spi » (de la psychologie à la spiritualité), et repose sur un postulat : chaque être humain est porteur d’une légende bien plus grande qu’il ne l’imagine, qui s’inscrit dans le Grand Jeu collectif de l’humanité.

Ouvrage collectif. 2004, Éditions Albin Michel


LES NIVEAUX SUBTILS

Décrypté en termes de corps subtils, le jeu du Tao fonctionne sur trois niveaux : psychologique, énergétique, alchimique.

Par Michèle Decoust.

 LE NIVEAU PSYCHOLOGIQUE

 C’est le premier niveau, le royaume de la « matière sans esprit » de ce jeu. Il aboutit souvent à des impasses, car il peut être récupéré par notre mental et notre verbe agiles et retors. Au fil du temps, le jeu démontre parfois qu’il n’y a pas le corps et l’esprit, ais que le corps, c’est l’esprit. Le corps sait bien avant tout le reste, et notamment notre si précieux cerveau. C’est dans ce corps-là qu’ont d’abord lieu tous les défis, conflits – et dénouements. Notre esprit le comprend après, et le formalise quant tout est joué.

La plupart des thérapeutes sont des passeurs, car la thérapie suppose un accompagnement dans la durée. Ils sont des révélateurs des mémoires du corps. Mais tout le travail d’intégration dans le corps et par lui ne peut se faire que lentement, soit seul (et les artistes le recyclent souvent dans leur art), soit accompagné par des thérapeutes au fait de ce langage-là, comme les kinésiologues ou les haptonomistes par exemple.

L’écueil courant de la thérapie consiste à dire : « Puisque j’ai compris, je suis guéri. » Mais le mental seul ne peut rien imprimer sur le corps, puisque l’information circule en sens inverse. On ne peut formuler et résoudre un conflit que quand le corps l’a déjà dénoué, donc compris. Du coup, la verbalisation même peut parfois s’avérer facultative. Car il s’agit d’une résolution bio-psychique, que notre langue psychologique, trop réductrice, parvient rarement à intégrer. C’est ce que savent les peuples premiers, une grande partie de l’Orient et les grandes traditions. C’et ce que l’Occident et sa façon de considérer l’intelligence – qui a peu à voir avec celle de la vie – a tant de mal à intégrer aujourd’hui.

Le Jeu du Tao - Michèle DecoustLE NIVEAU ENERGETIQUE 

C’est la base du jeu. Le premier tour de table s’appuie sur des règles écrites et lues à voix haute. Ces règles délimitent des territoires spatio-temporels, qui seront les mêmes pour tous les joueurs. Au-delà des différences socioculturelles, on retrouve la trinité Liberté, Egalité, Fraternité autour de la table de jeu.

C’est ainsi que s’instaure la confiance (on se tutoie) et la sécurité de l’anonymat (on donne son prénom, pas son nom), plancher affectif nécessaire pour faire le saut dans le vide de son désir essentiel, parfois devant de parfaits inconnus (mais comme on se regarde dans les yeux, chacun peut sentir quand la réponse est bonne).

Le jeu pourrait en rester là… s’il manquait la source de chaleur.

LE NIVEAU ALCHIMIQUE 

C’est le vrai niveau de ce jeu exigeant.

Cela peut se passer dès le premier tour, quand se manifeste d’emblée, à travers les désirs énoncés, un puissant foyer de chaleur collective, qui embarque et stimule les joueurs sans les effrayer. « Vivre, c’est brûler ! » dit l’artiste japonais Hiroyuki Aoki. Le fait que chacun entre dans le désir de l’autre crée un cercle vertueux.

Cela se produit souvent au second tour de table, après que la confiance s’est établie et que les problèmes de territoire ont disparu (nous sommes tous à la même enseigne ; je ne mets plus en avant mes forces, mais mes faiblesses ; m’exposer n’est plus dangereux). L’art consiste à savoir entretenir cette source de chaleur pour que se produire la transmutation : un mot qui s’applique  à la matière – changer le plomb en or – notamment à celle de notre corps.

Le jeu du Tao peut me « transformer ». Je n’aurai pas la même tête à la fin (parfois d’un seul tour) qu’au début (transformation = transmutation = changement physiologique).

L’alchimie est la rencontre du feu et de l’eau, rencontre impossible sur le plan physique (l’eau éteint le feu, le feu fait évaporer l’eau), mais  possible sur le plan intérieur du véritable développement personnel. Ce qui veut dire : par l’intensité de mon feu intérieur, de mon désir, de ma question, je peux clarifier l’eau de mes émotions, sans les assécher, les faire disparaître. Alliage subtil, où deux forces contraires se marient. Aucune des deux sources d’énergie n’est tarie ;

Pour qui parvient au niveau alchimique, les règles du niveau énergétique ne sont plus nécessaires. Les joueurs deviennent successivement la source principale de chaleur (intensité du désir donc de la question) et toute la table entre alors en synergie (le tout est plus que la somme des parties), pour aider chacun à sa transmutation (immédiate ou différée). Le sablier n’a plus d’importance. On entre dans un autre temps, physiologique (physique et métaphysique).

Transmutation immédiate et visible : les joueurs changent de visage.

Pourquoi ? Leurs souvenirs d’enfance font revivre leur dimension de cœur (bon camarade), étouffée sous l’intellect (bon élève). Chacun retrouve son regard et son sourire d’enfant. D’autant plus que tous abondent dans le même sens – consolider la transmutation en la valorisant – non par déduction psychologique (il n’est pas question de « bonnes idées »), mais par empathie immédiate (on unit nos expériences), car l’urgence des autres, leur ardeur à éclore… a réveillé la nôtre (tous pour un, un pour tous). Ce sont bien là les lois de la chaleur, donc celles du cœur.